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Vers un renforcement des critères de décence du logement loué :
Tout logement occupé par un locataire ou un sous-locataire doit être conforme à des caractéristiques de décence. Les critères de décence ont été prévus et définis par le législateur. L’article 6 de la Loi n° 89-462 du 10 juillet 1989 modifié par l’article 87 de la loi solidarité et renouvellement urbains du 13 décembre 2000 (loi SRU) et son décret d’application n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ont introdui
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Squat : la fin d’un cauchemar pour les propriétaires ? :
Le droit de propriété reconnu par la Constitution est un droit inviolable et sacré, nul ne pouvant en être privé. Pourtant de récents faits divers ont mis en exergue que ce droit constitutionnel pouvait être violé face au phénomène du squat. Les récentes affaires médiatisées dans le courant de l’année 2020 ont démontré que les propriétaires se trouvent souvent démunis face à ces situations de squat.
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Vers un renforcement des critères de décence du logement loué

Publié en mars 2019, rédigé par Me Audrey Mangione

Les critères de décence ont été prévus et définis par le législateur. L’article 6 de la Loi n° 89-462 du 10 juillet 1989 modifié par l’article 87 de la loi solidarité et renouvellement urbains du 13 décembre 2000 (loi SRU) et son décret d’application n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ont introduit dans le droit positif la notion de décence en matière de logement. Depuis 2002, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent c’est-à-dire convenable, adapté et approprié, des notions larges et imprécises qui ne permettent pas concrètement de déterminer l’ensemble des situations de non-décence.

UNE DÉFINITION DE LA DÉCENCE

C’est pourquoi le législateur est intervenu pour définir les contours de la décence. Désormais que vous soyez propriétaire ou locataire, vous serez en mesure d’évaluer si le logement que vous entendez mettre en location ou prendre à bail est décent. Pour le législateur, le logement est non décent, s’il présente un risque manifeste pour la sécurité physique et la santé de ses occupants, s’il montre des défauts manifestes de performance énergétique et enfin s’il est dépourvu des équipements habituels permettant son habitabilité normale. Ces principes permettent d’étayer la non-décence d’une habitation laquelle doit être appréhendée dans sa globalité (le bâtiment, l’accès et chacune des pièces). La liste est infinie: des sols abîmés et affaissés, des plafonds présentant des fissures importantes, une toiture non étanche, une installation électrique ou un mode de chauffage inadaptés, des pièces de vie sans fenêtre ou au contraire avec des ouvertures qui ne se ferment pas ou mal, la présence de plomb dans la peinture, l’absence de garde-corps, une cuisine sans évier, une pièce de vie inférieure à 9 m2

LA DÉCENCE ÉNERGÉTIQUE

La notion du logement décent a évolué récemment. Le décret n° 2017-312 du 9 mars 2017 a modifié le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. Depuis le 1er janvier 2018, le législateur a intégré des nouvelles caractéristiques de décence énergétique. Actuellement, la définition du logement décent inclut la nécessité pour le bien loué d’être à l’abri des « infiltrations d’air parasites ». En d’autres termes, les portes, fenêtres, murs et parois donnant sur l’extérieur ou sur des locaux non chauffés doivent être suffisamment étanches.

Par ailleurs, les ouvertures de pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés type garage, cellier, sous-sol ou combles, doivent être pourvues de portes ou de fenêtres tandis que les cheminées doivent, elles, être dotées de trappes.

Puis, le décret ci-avant énoncé a ajouté le critère d’une « aération suffisante » mis en application depuis le 1er juillet 2018. Aujourd’hui, les ouvertures et les dispositifs de ventilation doivent être en bon état afin d’assurer un renouvellement efficace de l’air (via ses ouvertures et éventuellement sa VMC) et permettre l’évacuation de l’humidité.

Enfin, depuis le 1er janvier 2019, en application de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (loi Élan), un logement décent doit garantir l’absence d’une infestation par toutes espèces nuisibles ou parasitaires. En d’autres termes, le bailleur doit s’assurer que le logement n’est pas infesté par les rats, les cafards, ou les punaises de lit. Ainsi, si le propriétaire peut louer tout logement, il ne peut pas louer n’importe quoi sous peine d’être sanctionné.

Évidemment, il n’en sera rien si la non-décence est le fait du locataire. En effet, la présence d’espèces nuisibles peut être la résultante d’un manque d’hygiène ou de précaution du locataire. De même, la présence d’humidité par condensation n’est pas obligatoirement un signe de non-décence du logement, car en effet celui-ci doit être aéré par ses occupants et les ventilations non obstruées. Les signes de non-décence d’une habitation peuvent générer des risques sur la santé ou la sécurité physique de ses occupants: électrocution (une prise électrique abîmée peut se détériorer et faire passer le courant électrique), intoxication (une mauvaise aération qui empêche l’évacuation des gaz non brûlés toxiques), explosion, chute d’un balcon…

RECOURS ET SANCTIONS

C’est pour cette raison que les critères de décence ont été renforcés et que les tribunaux sont enclins à sanctionner les bailleurs propriétaires qui ne remédient pas à la non-décence du logement loué.

Si vous êtes locataire et que vous constatez dans le logement loué des signes de non-décence, vous disposez de recours à l’encontre de votre propriétaire bailleur.

Dans un premier temps, il convient de l’alerter sur les points de non-décence (en les justifiant) afin qu’il en prenne connaissance et qu’il fasse effectuer les travaux afin de remédier à la situation de danger. Si votre propriétaire accepte de faire exécuter les travaux, il vous faut lui laisser le logement libre d’accès pour que les travaux soient réalisés. Il est conseillé dans cette hypothèse de consigner par écrit la nature des travaux et leur durée d’exécution.

En revanche, si votre propriétaire bailleur conteste les signes de non-décence, vous devez le mettre en demeure de réaliser les travaux afin de rendre le logement conforme avec les caractéristiques de décence; et saisir, le cas échéant, la commission de conciliation car il est toujours préférable de procéder à des tentatives amiables de résolution des litiges avant toute procédure judiciaire. Il n’est pas inutile de signaler les caractéristiques de non-décence au service hygiène et santé de la ville dans laquelle vous habitez.

Néanmoins, si votre propriétaire persiste dans son inertie la réponse judiciaire s’impose. Le tribunal d’instance doit être saisi pour que le bailleur soit condamné sous astreinte à exécuter les travaux qui s’imposent pour effacer toutes caractéristiques de non-décence.

Vous pouvez également demander à la juridiction saisie l’autorisation de consigner le montant des loyers dans l’attente de l’exécution des travaux (vous ne pouvez en aucun cas cesser de payer tout ou partie de votre loyer, sous prétexte que le propriétaire ne respecte pas ses obligations) et l’octroi de dommages et intérêts pour réparer le préjudice de jouissance subi. Dans le cas où vous êtes bénéficiaire d’une allocation logement, vous disposez de démarches supplémentaires auprès de la caisse d’allocations familiales. En effet la conformité du logement aux signes de décence est une condition pour bénéficier de l’allocation logement. Aussi, vous pouvez saisir la caisse d’allocations familiales pour que ses services constatent les caractéristiques de non-décence et conservent l’allocation logement pendant un délai maximal de dix-huit mois. Dans cette hypothèse, vous ne paierez que le loyer diminué du montant de l’allocation retenue. Le constat de non-décence établi par la caisse d’allocations familiales sera un élément utile en cas de procédure judiciaire.

Ainsi propriétaires, soyez vigilants et mettez votre logement en conformité avec les caractéristiques de décence avant sa mise en location. En tout état de cause, dès que les signes de non-décence vous sont signalés par votre locataire, réagissez et ne laissez pas la situation de danger persister! En effet les conséquences pécuniaires pourront être extrêmement lourdes si par votre inaction les risques manifestes pour la sécurité et la santé de votre locataire se réalisent. Outre les sanctions ci-avant énoncées, en cas d’accident grave, des dommages et intérêts pour réparer des préjudices corporels pourraient être mis à votre charge.

Par Me Audrey Mangione, avocat au Barreau de Grenoble.


 

 

Squat : la fin d’un cauchemar pour les propriétaires 

Publié le 08 avril 2021, rédigé par Me Audrey Mangione

Le droit de propriété reconnu par la Constitution est un droit inviolable et sacré, nul ne pouvant en être privé. Pourtant de récents faits divers ont mis en exergue que ce droit constitutionnel pouvait être violé face au phénomène du squat. Les récentes affaires médiatisées dans le courant de l’année 2020 ont démontré que les propriétaires se trouvent souvent démunis face à ces situations de squat.

Le squat : une occupation illégale

Le squat désigne l’occupation d’un lieu dans une perspective d’habitation sans l’accord du titulaire légal de ce lieu avec une entrée par effraction, tromperie, menace ou encore violence. Juridiquement qualifié d’occupation sans droit ni titre, le squat est donc parfaitement illégal.

Il est d’ailleurs répréhensible pénalement et puni d’un an d’emprisonnement outre 15 000 euros d’amende pour être entré dans le logement, et d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour avoir occupé ledit logement.

SUR LA NÉCESSITÉ POUR LES PROPRIÉTAIRES DE RESPECTER LE CADRE LÉGAL

Pourtant, en dépit d’une occupation illicite, les propriétaires des lieux ne peuvent intervenir eux-mêmes pour déloger les squatteurs. Il est en effet interdit de les forcer à libérer les lieux. Pour être dans « les clous », les propriétaires lésés doivent obtenir l’évacuation ou l’expulsion forcée de ces derniers.
Ainsi, si vous être propriétaire et que vous découvrez que votre maison est squattée il faut agir, mais en respectant le cadre légal. À défaut, cela pourrait se retourner contre vous, à l’avantage des occupants, sans droit ni titre, qui pourraient être indemnisés.
Alors, mieux vaut respecter la loi, d’autant que celle-ci a fait évoluer la procédure vers la simplification.

UNE PROCÉDURE ADMINISTRATIVE SIMPLIFIÉE POUR LE SQUAT D’UNE RÉSIDENCE PRINCIPALE OU SECONDAIRE

En effet, jusqu’à très récemment pour pouvoir bénéficier de la procédure administrative tendant à obtenir « rapidement » l’évacuation forcée de ces personnes occupantes, il fallait que ce soit son domicile (c’est-à-dire son lieu d’habitation principale) qui ait été squatté.
Désormais la loi n° 2020-1 525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite loi Asap), parue le 8 décembre 2020 au Journal Officiel, élargit cette procédure administrative d’évacuation forcée aux résidences secondaires ou occasionnelles. Cette loi est en vigueur depuis le 9 décembre 2020. L’article 73 de la loi du 7 décembre 2020 modifie ainsi l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, qui instituait la faculté de la procédure administrative d’évacuation forcée aux seules résidences principales.

Pour emporter le droit d’évacuer les squatteurs de sa propriété, qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non, la personne lésée (et désormais toute personne agissant pour son compte) doit dans un premier temps déposer plainte pour violation de domicile en démontrant qu’elle en est propriétaire et occupante (justificatifs à l’appui : taxe foncière, facture d’électricité ou eau, taxe habitation…) et faire constater par un officier de police judiciaire que le logement est bien occupé illégalement

Une fois cette étape accomplie, le propriétaire ou la personne agissant pour son compte, sollicite le préfet pour qu’il mette en demeure les squatteurs d’avoir à libérer les lieux. Le préfet dispose d’un délai de 48 heures à compter de la réception de la demande pour rendre sa décision. Il s’agit d’une innovation, puisqu’auparavant le préfet n’était contraint à aucun délai, ce qui pouvait rallonger la mise à exécution de l’évacuation.

Si le préfet entend refuser la mise en œuvre de cette procédure et ne pas mettre en demeure les occupants illégaux, il doit motiver son refus, lequel ne peut être fondé que sur le non-respect de la procédure ou un motif impérieux général. L’obligation de motiver le refus sur deux fondements devrait rendre peu fréquent le rejet des demandes, en tout cas on peut l’espérer.
Néanmoins, les propriétaires confrontés à ces refus disposeront d’un délai de deux mois pour les contester ou revenir à la procédure civile traditionnelle, dont les tenants seront exposés ci-après.
En cas d’acceptation de traitement de la demande, la mise en demeure de quitter les lieux est notifiée aux squatteurs et elle est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à 24 heures. La mise en demeure est affichée en mairie et sur les lieux occupés illégalement. Elle est, le cas échéant, notifiée à l’auteur de la demande (le propriétaire ou toute personne ayant agi pour son compte).
Si, malgré tout, les occupants illégaux sont récalcitrants et se maintiennent dans les lieux, le préfet doit faire évacuer le logement, sans délai, par la force publique, sauf si l’auteur de la demande s’y oppose.
Ainsi, la procédure pour faire évacuer les squatteurs d’un logement qui constitue une résidence est simplifiée avec la mise en œuvre de délais raccourcis.

Il est à noter que la trêve hivernale, période durant laquelle les expulsions ne peuvent être menées, n’est pas applicable au cas des squatteurs. En effet, leur évacuation ou expulsion peut avoir lieu, quelle que soit la période de l’année.

UNE PROCÉDURE CIVILE PLUS LOURDE POUR LES SQUATS DE LIEUX NE CONSTITUANT PAS UNE RÉSIDENCE

Avec la loi Asap, les procédures civiles traditionnelles tendant à obtenir l’expulsion des lieux des squatteurs ne vont être utilisées que pour les propriétés occupées illégalement, mais qui ne constituent ni une résidence principale, ni une résidence secondaire ou occasionnelle. Ces procédures civiles, dont les délais pour obtenir le titre ordonnant l’expulsion sont plus longs, vont ainsi dorénavant être cantonnées aux bâtiments en ruine, aux usines désaffectées, aux bâtiments inhabités, aux appartements ou maisons destinés à la location…

La voie judiciaire est plus longue : le propriétaire saisit le tribunal judiciaire du lieu dont dépend sa propriété squattée, en ayant au préalable mandaté un huissier aux fins de constat d’occupation illégale. Si l’huissier en se rendant sur les lieux obtient le nom des occupants illégaux, le propriétaire leur fait délivrer une assignation en vue d’une audience contradictoire à laquelle chacune des parties comparaît pour faire valoir ses moyens de défense.
Les délais d’audiencement sont longs, les renvois pour préparer les dossiers sont fréquents. Obtenir une décision de justice prend plusieurs mois.
En revanche, si l’huissier n’a pas pu obtenir le nom des squatteurs, le propriétaire saisit le tribunal par voie de requête, sans qu’une audience contradictoire ne soit fixée, ce qui aboutit en principe à accéder à une décision plus rapidement.
Dans les deux cas, une fois la décision ayant ordonné l’expulsion forcée des squatteurs rendue, un huissier est mandaté aux fins de mettre à exécution l’expulsion et solliciter pour ce faire le concours de la force publique auprès de la préfecture.

Toutes ces étapes franchies permettent aux propriétaires de récupérer leur bien et quel soulagement ! Cependant, parfois cet apaisement lié à l’évacuation effective des lieux n’est que de courte durée, car les propriétaires ne sont pas à l’abri de découvrir que leur bien a été laissé dans un état de saleté et de dégradation déplorable. Une nouvelle étape judiciaire peut ainsi s’ouvrir aux fins d’obtenir à l’encontre des occupants illégaux, responsables des dégâts, des indemnisations. Il ne faut néanmoins pas se leurrer, car très souvent les indemnités obtenues sont purement symboliques et ne seront recouvrées qu’en cas de solvabilité de ces derniers.

Vous l’aurez compris le phénomène du squat démontre que le droit de propriété, pourtant absolu sur le plan constitutionnel, est en réalité relatif et ce, même si le législateur a récemment prévu une simplification des procédures.

Par Me Audrey Mangione, avocat au Barreau de Grenoble.